Soleil levant ou soleil couchant ?

Impacté par la diminution de la natalité au pays du Soleil Levant, un fabricant japonais de couches délaisse le marché des bébés pour s’orienter sur celui des seniors en proposant à la vente des couches rebaptisées cosmétiquement « protections hygiéniques pour adultes ».

Les médias français s’en sont largement fait l’écho mais retenant plus le côté anecdotique que les implications d’un choix stratégique qui semble pourtant judicieux.

Quelques chiffres :

⁃ la production de couches pour bébés a chuté de plus de 40% depuis 2001, tandis que la demande de couches pour adultes augmente en raison du vieillissement de la population.

⁃ Le Japon, confronté à un vieillissement démographique rapide, a enregistré en 2023 son plus bas taux de natalité depuis 1899. Un rapport récent du ministère de la santé nippon souligne même une baisse significative de la démographie japonaise dans les prochaines décennies.

⁃ Les projections indiquent que la population du Japon pourrait diminuer de 30 % d’ici 2070, passant de 126 millions à 87 millions d’habitants. Cette baisse s’accompagnera d’un vieillissement accru de la population, avec près de 40 % des habitants âgés de plus de 65 ans.

Les conséquences de ces projections sont loin d’être, elles, purement marketing. La diminution de la population en âge actif (15-64 ans) soulève des préoccupations concernant la durabilité économique et la pression sur les systèmes de sécurité sociale. Pour faire face à ces défis, des experts recommandent une restructuration des communautés urbaines, avec la création de villes plus petites offrant des services centralisés, ainsi qu’une révision des systèmes de sécurité sociale. Imaginer des villes limitées à 100000 habitants, pour permettre un accès plus facile à une population vieillissante, est à cent lieues de nos pistes de réflexion sur le problème du vieillissement. Le Japon est pourtant le pays des mégalopoles.

La question de la place des personnes âgées au Japon se confronte à des défis économiques et démographiques. Les pensions de retraite insuffisantes et la précarité croissante chez les seniors suscitent des inquiétudes. Le gouvernement et les grandes entreprises s’associent pour trouver des solutions, notamment dans le secteur de la santé, en développant des innovations technologiques pour le bien-être des personnes âgées, comme des robots d’assistance et des dispositifs de surveillance à domicile.

Le marché du bien-être des seniors est donc en plein essor, avec une gamme croissante de produits adaptés à leurs besoins. Dans les zones rurales, où la population est principalement âgée, des initiatives locales sont mises en œuvre pour soutenir les seniors, telles que la réouverture de commerces locaux, des services de transport et des visites régulières à domicile. Des initiatives individuelles inspirantes émergent également, telles qu’un café employant des personnes atteintes de démence et des compétitions d’E-sports pour les seniors. Le Japon cherche ainsi à agir pour ses seniors à travers diverses mesures étatiques, locales et individuelles, ce qui pourrait en faire un modèle pour d’autres nations confrontées à des défis similaires liés au vieillissement de la population.

Et chez nous ?

La transition démographique est un fait. Une hausse de l’espérance de vie associée à la baisse de la natalité devrait nous conduire à une évolution similaire à l’archipel nippon. Je crains, à titre personnel, que nous ne puissions tout miser sur un potentiel « réarmement démographique ».

La France imagine comment prendre soin de nos aînés. Le débat oscille entre « à domicile » ou « en établissement », saupoudré d’un peu d’innovation portée par l’écosystème de la Silver Economy. Deux problèmes se posent toutefois : l’impact économique et la prospective. Si le débat sur le financement de la dépendance existe, depuis plus de vingt ans, il bute sur les contraintes actuelles et la « Grande Loi » nous fait attendre comme « Madeleine » fit attendre le grand Jacques.

Pour ce qui est de l’avenir, c’est désespérance pour les uns, aveuglement pour les autres, sur l’impact économique majeur de cette évolution. Certains économistes évoquent un budget de 130 à 150 milliards par an à trouver d’ici une dizaine d’années.

Imaginez que nous en sommes à déclencher un séminaire gouvernemental pour trouver une vingtaine de milliards.

Pire nous raisonnons sur la masse croissante de personnes dépendantes à prendre en charge. Or, au Japon justement, la population des plus de 65 ans régresse sur un rythme soutenu. C’est la part des seniors qui augmente et non le nombre. Peut-être devrions-nous regarder plus attentivement ce qui se passe à l’Extrême-Orient. Bien sûr, la société japonaise est différente, la structure même de la société diffère mais sans s’identifier ou dupliquer ce qui ne se passe là-bas, rien ne nous empêche d’en tirer notre propre avenir.

À l’ère Meiji, le Japon cherchant à se développer rapidement pour éviter la colonisation mit en place une « occidentalisation » de sa société, surtout d’un point de vue économique. Mais le pays du soleil levant le fit sur le principe du « Wakon Yosai » ce qui signifie « esprit japonais, technique occidentale ».

À nous de jouer.

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